vendredi 17 juin 2011

[FESTIVAL DE CANNES 2011] The Tree Of Life

De Terrence Malick
Etats-Unis, 02h18
Avec Brad Pitt, Sean Penn, Jessica Chastain...

Et si la vie d'une famille était métaphoriquement comparable à la vie de l'univers même, avec ses moments formidables ou tragiques, ses naissances et ses morts, ses passages d'extrême douceur et d'extrême violence ? C'est en tout cas le parti pris choisi par Terrence Malick pour son nouveau poème cinématographie, sorti 12 ans après La Ligne Rouge, The Tree Of Life.

Ce film, cet ode à la vie, est en réalité découpé en quatre temps :
Le premier nous montre les protagonistes de cette famille des années 1950 qu'on ne connait pas encore dans des situations allégoriques parfois belles, mais parfois lourdingues aussi (comme cette courte séquence symbolisant la naissance où un jeune garçon sort d'une chambre d'enfant confortable submergée par l'eau en essayant de rejoindre la surface). Séquences accompagnés grâce à une sorte de montage parallèle, de plans montrant Sean Penn (dont on comprend vite qu'il est cet enfant devenu adulte) errant dans les bureaux modernes d'une de ces grandes villes à gratte-ciel américaine.
Tout ceci accompagné d'une voix off riche en phrases poétiques et en valeurs chrétiennes.

Le deuxième temps entreprend (rien de moins) de nous conter (sans parole) la naissance de l'univers du Big Bang jusqu’aux dinosaures en 45 minutes. Si cette séquence, accompagné d'une musique très religieuse est par moment belle, et surtout, est intéressante pour la comparer à la séquence de vie de famille qui suit (c'est tout l'enjeu du film), il est un peu déplaisant de voir qu'elle ressemble parfois plus à un reportage du CNRS sur l'espace ou à un documentaire d'ARTE (notamment pour le passage à la symbolique plutôt lourde à nouveau où un dinosaure (en image de synthèse pas très réussie) s'apprête à tuer et à manger un autre dinosaure blessé, mais ne fait rien finalement et retourne sur ses pas, comme victime d'empathie.

Le troisième temps par contre est tout à fait formidable et constitue le cœur du film. En s'obstinant le maximum d'éviter de mettre cette voix off moralisatrice assez insupportable de la première partie, Malick filme avec une apparente simplicité la vie de cette famille américaine banale, ni pauvre ni riche, du milieu des années 1950, tout en nous offrant une leçon de maître sur le naturalisme au cinéma. Car cette famille n'est jamais manichéenne : le père par exemple (Brad Pitt, encore une fois absolument fantastique dans ce rôle) est très autoritaire mais aime profondément ses enfants et ne se rend pas compte de la violence parfois de son comportement, car il sait aussi être très doux et aimant. Tandis que l'un des fils (dont le film fait le héros), victime du complexe d'œdipe est à la fois partagé entre la complète admiration pour son père, et sa volonté de le tuer.
Tout cela est montré avec un vrai réalisme si fort qui me pousse à dire que jamais on a parlé aussi justement d'une famille au cinéma.

Mais hélas, après cette longue et parfaite troisième partie, qui à elle seule fait que The Tree Of Life mérite cette Palme d'Or, viens une quatrième partie qui est une sorte de prolongement ultime (mais pas forcément nécessaire) de la première partie, une séquence symbolique de la mort où tous les personnages du présent comme du passé se retrouvent sur une plage, comme unis pour toujours au paradis, selon l'image d'Epinal de l'au-delà chrétien.

Car The Tree Of Life peut se voir ainsi : une réponse chrétienne au très nietzschéen 2001, l'Odyssée de l'Espace de Kubrick. Car l'un comme l'autre parle de la vie des hommes comparativement à la vie de l'univers, chacun donnant sa vision, selon ses croyances, de cette vie. De plus, dans 2001 comme dans The Tree Of Life, il y a une utilisation très grandiose de la musique, mais là où Kubrick utilisait des musiques profanes comme Ainsi Parlait Zarathoustra de Richard Strauss (qui renvoit bien sûr une fois de plus à Nietzche) ou encore Le Beau Danube Bleu de Johann Strauss fils, Malick utilise une série de musiques d'inspiration chrétienne. Mais hélas, Malick n'est pas Kubrick, et du point de vue de la mise en scène tout comme de l'écriture, il reste assez loin du Maître dont il avait voulu, à sa manière se rapprocher.

De plus, je pense que, comme disait justement Nietzsche de Pascal, c'est le trop fort caractère chrétien de son œuvre qui l'a un peu perdu.

jeudi 26 mai 2011

FESTIVAL DE CANNES 2011 - This Must Be The Place

De Paolo Sorrentino
Italie/Irlande/France,  01h58
Avec Sean Penn, Frances McDormand, Eve Hewson...

Cheyenne, ex-rockstar américaine au look gothique (qu'il continu à arborer à 50 ans, comme dernière et ultime marque de son passé dans la musique, lui qui ne chante plus) qui vit à Dublin repart aux état-unis pour retrouver le bourreau qui a torturé son père à Auschwitz.

Dernier long-metrage du réalisateur italien de Il Divo, prix du jury à Cannes en 2008, il est tout naturel que This Must Be The Place soit également à Cannes cette année. Car ce film est véritablement né à Cannes : lorsque Sorrentino reçoit en 2008 le prix du jury des mains de Sean Penn (alors président du jury), Sean Penn lui confie qu'il rêverait de tourner avec lui. 2 ans plus tard, Sorrentino revient à Cannes avec un film dans lequel on trouve Sean Penn dans le rôle principal.

Et quel rôle ! Sean Penn est totalement méconnaissable sous les traits de Cheyenne, cette gothic-star faisant diablement pensé au chanteur de Cure, Robert Smith. Et ce n'est pas uniquement le maquillage qui fait ça, car Sean Penn est totalement transformé dans sa voix et ses gestes, à la manière d'un Johnny Depp, et nous à ainsi offert une performance d'acteur digne d'un prix d’interprétation, si la concurrence n'était pas si dure cette année là.

Outre la remarquable prestation de Sean Penn, le film est également fabuleux par sa mise en scène sublime, rappelant The Big Fish de Tim Burton ou certains films des frères Cohen. Sans jamais être pathétique, ce road-movie très drôle nous fait suivre ce personnage si riche qu'est Cheyenne, sa rencontre très brève avec de nombreuses situations et de nombreux personnages esouvent allegoriques et toujours très travaillé, à travers les magnifiques paysages du sud-ouest des états-unis.

Un très bon film donc, sublimé par une mise en scène grandiose, une image proche de celle du The Big Fish, et une direction d'acteur digne des frères Cohen font de ce film mon coup de cœur de ce 64ème festival de Cannes.

mercredi 16 mars 2011

Le Discours d'un Roi

De Tom Hooper
Royaume-Uni,  01h58
Avec Colin Firth, Geoffrey Rush, Helena Bonham Carter...

Le discours d'un Roi, c'est l'histoire d'un monarque méconnu, George VI, Roi de Grande Bretagne et de l'Empire Britannique de 1936 à 1952 qui dut faire le discours radio annonçant au peuple qu'une nouvelle fois, l'Angleterre entre en guerre.
Seulement voilà, George VI est victime d'un terrible bégaiement...
Ce synopsis vous le connaissez tous, tant ce film à fait parler de lui.
Et à raison ! Tout d'abord, par cette magnifique performance d'acteur de Colin Firth qui lui valut un Oscar amplement mérité. En effet, traditionnelement au cinéma, le begayement est traité de façon comique, or c'est quelque chose dans la réalité qui n'a vraiment rien de drôle, bien au contraire. Et c'est à travers un jeu quasi naturaliste que Colin Firth devient le meconnu George VI. On ne ris pas avec lui, mais on souffre avec lui.
D'autre part, bien que ce film repose essentielement sur la performance de Colin Firth, il ne faudrait pas oublier les autres aspects de films. Concernant les acteurs, Geoffrey Rush en ortophoniste aux methodes revolutionnaires est également très impressionnant, et Helena Bonham Carter joue très bien, mais plus fidèle à ses habitudes de jeu.
Le film est traité à travers une mise en scène très sobre, mais néanmoins très juste en évitant les complications scenaristique qui sont pourtant hélas à la mode pour nous livrer une histoire dans laquelle on entre aisément et totalement, si bien que l'on est surpris lorsque l'on découvre que Colin Firth et Geoffrey Rush ne sont finalement que des acteurs

samedi 22 janvier 2011

We Are Four Lions

De Chris Morris
Royaume-Uni, 01h41
Avec Riz Ahmed, Arsher Ali, Nigel Lindsay...
Sortie le 8 décembre 2010

La grande peur de notre époque est certainement celle-là : la peur de la menace terroriste. Combien de fois des gares ont-elles été bloque pour cause de (fausse) alerte à la bombe ? Combien de sacs fouillés à l'entrée des théâtres ou des médiatique ? Oui, la France à peur, comme disait Roger Gicquel dans les années 1980. Et pas que la France, tout le monde occidental vit dans le frisson constant d'une éventuelle attaque.
Parler de terrorisme au cinéma est une chose difficile, peu de réalisateur osent s'y attaquer, alors envisager le terrorisme d'un point de vue comique, c'est de l'ordre de l'impensable ! Pourtant Chris Morris, ex-animateur satirique de télé, la fait. Il fallait être anglais pour oser ça, et c'est donc dans la fière veine montypythonesque que Morris voit la chose. We Are Four Lions est donc un vrai film anglais, au sens le plus noble du terme. Les gags sont de tout niveau, il y a du premier degré brut et du plus subtil, mais c'est globalement très drôle, du moment qu'on aime l'humour absurde et un brin provocateur dont en ont l'art ces chers anglais.
L'idée est donc, quoi qu'en dise ses détracteur, attaché au politiquement correct comme à une corde de survie, terriblement génial de part son original, mais aussi car elle bouscule les mentalité quand à la peur du terrorisme. Les dialogues et les situations comiques, sans être révolutionnaire ou vraiment mémorables sont assez sympathiques, on ne s'ennuie pas et on rit même beaucoup, mais c'est vrai que ça n'a pas la force d'un Monty Python (à nuancer tout de même : certains passage, comme la scène d'ouverture où ces terroristes de pacotille font une vidéo de menace type Al-Quaida, ou certains autres passages sont vraiment désopilants)
La où le film pêche un peu toutefois, c'est dans la photographie : dans la veine de cette (insupportable) nouvelle mode, ça se veut "documentaire" (ou reportage plutôt). Certes, le côté "image brut", sans grand étalonnage est vraiment intéressant. Mais par contre, la caméra ne cesse de zoomer, de dézoomer, et de se déplacer dans tous les sens sans raison. On a très vite la nausé, d'autant qu'on ne comprend pas l'intérêt, puisque la caméra n'est pas dans ce film un personnage (comme elle l'est dans Le Projet Blair Witch ou dans Cloverfield). D'accord un pied ça coûte cher, mais quand même.
Bref, un très bon film, un vrai divertissement intellectuel, car il ne nous détache pas de la réalité, mais qui aurait mérité vraiment un meilleur traitement

mercredi 5 janvier 2011

[SPECTACLE] Les Predateurs

De Patrick Chevalier et Ismaïl Safwan, France, 2010
Compagnie de l'Ange d'Or
Mise en Scène : Ismaïl Safwan
Avec Patrick Chevalier
Vu au Théâtre Jeune Public à Strasbourg le 7/12/2010.

Les Prédateurs est un spectacle sur la crise des Subprimes aux états-unis et ses conséquences. Etrange sujet me direz-vous pour un théâtre dit "Jeune Public". Et bien oui, étrange sujet. On comprend assez mal pourquoi c'est le TJP qui a subventionné cette "création original" déjà difficile a comprendre pour des adultes murs et aptes à comprendre les méandres de l'économie mondiale. Alors, vraiment on ne comprend pas. Pauvres enfants qui doivent se farcir cet ersatz de pièce de théâtre ressemblant hélas trop souvent à un cours magistral qu'à un vrai spectacle.
Car le problème est bien là : Les Predateurs, sorte de Wall Street II théâtral, les scènes d'action, les histoires d'amours, et le scenario en moins, manque de spectaculaire. Il y a bien le jeu de différents personnages par Patrick Chevalier, parfois intéressants, c'est vrai, pour peu qu'on s'y connaisse un peu - beaucoup - en économie (regardez sur Wikipédia pour ceux qui ne les connaissent pas qui sont Milton Freakman et Jean-Marie Messier - entre autres - vous rirez plus à cet humour ultra-sophistiqué). Humour ultra-sophistiqué qui tranche avec le burlesque lourdingue du deuxième tableau. Mais ce tableau, ce "moment", à au moins le mérite d'être le seul qui s'autorise un peu de fantaisie, dont un passage musical avec une formule mathématique, passage très beau est très drôle, surement le meilleur moment de la pièce.
Mais le problème, c'est que durant les trois quarts de la pièce, Chevalier joue le rôle d'un économiste libéral qui nous donne une sorte de cours plus ou moins ironique sur le fonctionnement sur le fonctionnement général des système de prêts des banques américaines à l'origine de la crise. Cela aurait pu être interessant, si les auteurs de ce texte barbare ne s'étaient pas amusé à chercher les termes les plus complexes dans des dictionnaires de l'économie mondiale afin de nous aussi compréhensible qu'un cours sur les systèmes économique sur la Wikiversité.

J'ai écrit la première partie de cet article qui ressemble plus à une diatribe qu'a une critique le lendemain de la représentation. Aujourd'hui, presque un mois après avoir vu la pièce, aussi surprenant que ce soit, j'ai une meilleure image de ce spectacle. Il m'a permit en effet de comprendre quelques éléments sur l'économie.
Néanmoins, il est assez clair que je me suis plus qu'ennuyé pendant la représentation, mais c'est une pièce à vocation pedagogique (c'est un peu dommage, d'ailleurs, de prendre les spectateurs pour des "élèves") qui ne s'apprecie pas dans l'instant, mais que l'on garde malgrès tout dans notre mémoire.
Dommage toutefois que l'acteur, unique, ne soit clairement pas assez bon pour faire bien vivre ce stand alone. Il est emprisonné dans un type de jeu très lassant et ne semble pas vouloir oser des choses plus éclectique ou, n'ayons pas peur du mot, fantaisiste. Un peu de fantaisie de ferait vraiment pas de mal dans cette pièce globalement tristement sérieuse.