De Pippo Delbono, Italie, 2008
Mise en scène : Pippo Delbono
Avec Pippo Delbono ; Dolly Albertin ; Gianlucca Ballaré ...
Vu au MAILLON à Strasbourg, le 15/10/2010
Avant d'essayer de s'aventurer dans une impossible "critique" de cette pièce, il faut d'abord situer l'énigmatique œuvre : En 2007, 7 ouvriers meurent dans l'usine ThyssenKrupp de Turin. Mario Martone, directeur du Theatro Stabile de Turin propose à Pippo Delbono de faire l'ouverture de la saison du théâtre avec une pièce autours de cette affaire.
Pour écrire cette pièce, Delbono se rend à l'usine ThyssenKrupp. Et là, il est choqué par les conditions de travails qui, dit-il (dans une interview réalisé lors du festival d'Avignon) relève d'un autre age.
Mais comment alors réaliser un pièce qui témoignerais de la situation de ces ouvriers avec force et vérité.
On le voit bien au regard de la pièce, qu'il n'a pas choisi - et c'est tant mieux - la voie du réalisme. Le spectacle est sans dialogues ou presque. Les rares apparitions de mots proviennent de tirades issus d'autres pièce (comme un extrait de Roméo Et Juliette de Shakespeare. Sinon ce sont des cris. De terribles cris machiaveliques qui participent à mettre en place une ambience plus que malsaine. Car Delbono joue de la provocation : des multiples corps nus sur scène, une armada de curés enferments des jeunes filles dans des casiers (!), un Pippo Delbonno en chef d'orchestre fou et tyranique s'amusant en photographiant le public, etc.
Et au milieu de cette superbe et terrible folie, un faux entracte, une pause pour le moins étrange où on interdit au spectateur de sortir de la salle, où Pippo Delbonno rentre parmis eux et avec un micro soliloque, parle de choses qui ont plus ou moins quelque chose à voir avec la pièce, comme il l'a fait au debut de la pièce (ou bien était-ce juste avant qu'elle ne commence ?) quand, assis dans le public, inconnu, il commence à parler au micro dans un français très italien de la politique de Sarkozy et de sa femme.
Tout cela pendant qu'un homme sur scène se promène nu, imitant un chat.
Oui, c'est une pièce vraiment étrange, mais qui parradoxalement nous captive. On y comprend rien, on trouve ça souvent odieux - c'est voulu, mais on ne ferme pas les yeux une seconde.
Et c'est ça que veut montrer aussi, je pense, Delbonno : notre réaction face à des images, des actions, des corps qu'on a pas l'habitude de voir ainsi. Avec la publicité, Internet, le cinéma de masse, mais aussi un certain théâtre, nous sommes submerger d'images, et montrer sur scène des corps nus n'a pas la même impact qu'il aurait eu sur nous il y a 40 ans.
Pourtant la mise en scène de cette mensogna, ce "mensonge", qui nous montre d'ailleurs aussi des extraits vidéos, notamment d'une publicité pour ThyssenKrupp suivi d'un message critique d'un homme d'église italien, est un vrai claque. Une explosion dont on reste marqué à jamais. Enfin un théâtre qui se réinvente ! Enfin un théâtre qui nous permet de prendre conscience d'une certaine réalité. Enfin un théâtre qui ne se veut pas une représentation réaliste de la réalité, mais qui pourtant nous parle bien plus du réel que n'importe quel reportage aussi "choc" soit-il sur ce sujet. Bravo.
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